Alice Ozy, née Piloy. Photographie A.A.E Disdéri, vers 1860. © Collection L. D
"J'ai trouvé le vieux duc de Louqsor tout en larmes. Dans ses mains tremblait un journal dans lequel il venait d'apprendre la mort d'Alice Ozy, et comme je restais très froid à l'évocation de ce nom qui m'était un peu près inconnu : — Oui, me dit-il, cela ne vous dit rien, à vous autres, Alice Ozy. C'est tout au plus si on peut retrouver dans vos souvenirs Cora Pearl, Julia Barruci, Anna Deslions, Adèle Courtois et Caroline Letessier, les femmes de l'empire : mais pour nous, voyez-vous, c'est la résurrection de toute une époque qui a surgi devant nous yeux. C'est la monarchie de Juillet, l'Afrique, le duc d'Orléans, Abd-el-Kader, la garde nationale, Mabille, la terrasse des Tuileries, et les bals de l'Opéra dirigé par Musard ; c'est notre jeunesse ensoleillée, ce sont nos amours pendant cette période tranquille, heureuse, en somme, où tout ne se faisait pas à la vapeur comme aujourd'hui, où l'on avait le temps de flâner, de lire et d'aimer, et où, dans l'étiage du plaisir vénal, la belle et brave pièce de cent sous remplaçait le louis d'aujourd'hui. Lorsqu'on allait jouer au cercle, on était obligé d'emporter son argent dans un petit sac, et quand, le lendemain matin, on laissait quatre belles pièces de cent sous sur la cheminée d'une belle, on était considéré comme ayant fait un cadeau très convenable. C'était le bon temps."
Richard O'Monroy. Place au théâtre ! 1894